« MON LEITMOTIV : TIRER LE MAXIMUM DU FOURRAGE »
Pour traire, avec ses seuls fourrages, 15 kg de lait l'hiver et près de 19 kg au pâturage, Eric Ménétrier travaille très en amont.
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ERIC MÉNÉTRIER N'EST PAS LE BON CLIENT du marchand d'aliments. De ceux qui dépensent sans compter pour taper une moyenne laitière record. Ici, les apports de concentrés sont gérés au plus juste. Éric n'achète aussi que son concentré azoté. S'y ajoute parfois une commande de 3 t de maïs grain pour compléter la petite dizaine d'hectares d'orge (45 à 50 q/ha) autoconsommés. Pour autant, les performances des 40 laitières n'en pâtissent pas. Le troupeau affiche les 8 000 kg confirmés. Le passage en 2008 de l'aire paillée aux logettes (creuses avec des pneus noyés dans la sciure et paillées) y a participé. Depuis, la moyenne, autour des 7 000 kg à l'époque, n'a pas cessé de progresser alors que les comptages cellulaires s'amélioraient encore. De 220 000, ils sont passés à moins de 140 000 cellules. À tout dire, Éric n'a qu'un leitmotiv depuis trente ans : valoriser la ration de base (foin-regain l'hiver, pâturage du 15 avril au 15 novembre) pour en tirer le maximum de lait. « Ce choix s'est naturellement imposé à mon installation. »
DES INVESTISSEMENTS PRÉCIS POUR MAÎTRISER LA QUALITÉ DU FOIN
Entre le coût de la reprise de l'exploitation familiale et la construction d'une stabulation hors du village, le JA qu'il était n'a pas eu d'autres solutions pour sortir un revenu suffisant que de raisonner économique. « Travailler sur les charges opérationnelles dans nos systèmes d'alimentation, c'est surtout veiller à contenir un coût de concentrés qui a vite tendance à déraper si on ne maîtrise pas la qualité de ses fourrages. »
Pour s'en donner les moyens, Éric a d'ailleurs choisi, dès le départ, de réaliser un investissement plus coûteux, celui d'une chaîne de récolte du foin en vrac, avec séchage en grange et réchauffeur. Ce dernier est toutefois utilisé avec parcimonie sur les premières coupes, quand il s'agit de prendre un risque météo. Indispensable aussi aux yeux du jeune investisseur, un Dac et deux stations pour maîtriser un apport d'aliments au plus près des besoins. « En 1983, j'ai préféré cela à un quatre roues motrices. »
Au fil des années, ces choix se sont avérés judicieux. Comparée à son groupe, l'exploitation sort aujourd'hui du lot. Sur les trois dernières saisons de pâturage (avril à octobre), la valorisation du fourrage seul y permet, en moyenne, 5 kg de lait supplémentaires, à 18,8 kg. L'écart est encore plus prononcé sur l'hiver avec près de 6 kg de lait sur le groupe, à 15 kg (voir ci-contre).
BONNE EFFICACITÉ DES CONCENTRÉS DISTRIBUÉS
L'investissement dans la génétique est aussi passé par là (index laitier moyen du troupeau de 348 kg, contre 171 kg pour le groupe), les kilos de concentrés apportés sont très efficaces. Sur les trois dernières années, le troupeau pointe à 7 870 kg de lait par vache, à 33,6 de TP et 40 de TB, avec 1 250 kg de concentrés distribués (160 g/kg de lait). Ceux du groupe, avec 372 kg d'aliments en plus apportés, pointent à 700 kg de lait, 0,8 de TP et 2,4 de TB en moins.
Mais quelles sont ses recettes ? « Il n'y en a pas, juste des pratiques ajustées au fil des années, parfois en se trompant », résume Éric avec beaucoup d'humilité. Il sait qu'en système foin, on peut mettre toutes les chances de son côté, au final, c'est la météo qui donne le « la ». « Le BA-ba pour faire du lait d'hiver avec le minimum de concentré, c'est un bon foin. Mais pour moi, la première qualité d'un foin, c'est sa conservation et son appétence, clé pour que les vaches mangent plus. Le stade de récolte ou la qualité de la flore, évidemment importants, viennent ensuite. » Ce que l'on appelle ici foin à volonté l'hiver, ce sont des refus encore consommables à la traite suivante.
Concernant le stade de récolte, Éric a fait un peu machine arrière. Il ne cherche plus, comme dans ses premières années, à faucher de plus en plus tôt grâce au séchage. « Une coupe au 15 mai est excellente sur le papier en terme de valeur alimentaire, mais manque de fibrosité. La panse fonctionne moins bien et une partie des UF et PDI ingérés n'est pas valorisée. Il y a un optimum à trouver. » Et de rappeler son objectif en hiver : se rapprocher d'un foin proche de ce qu'est l'herbe de printemps consommée vraiment à volonté, « car c'est là que le lait monte au tank ».
« DU REGAIN ADAPTÉ À LA FIBROSITÉ DU FOIN »
Éric porte un soin particulier au mélange de foin-regain qu'il prépare à la griffe une fois par semaine, pour le distribuer matin et soir. Pas question de dépasser 30 à 40 % de regain dans la ration totale pour éviter les problèmes d'acidose. Il est aussi attentif à l'âge du regain utilisé. Un regain top niveau fauché à 40-45 jours n'est jamais mélangé à un foin fauché à peine trop tôt, pas assez fibreux. Pour ce dernier, Éric choisit plutôt une seconde coupe réalisée à 50 jours.
La qualité de la flore est aussi un point fort de ses prairies « temporaires » de longue durée. Certaines ont dix ans. Là aussi, Éric a tâtonné pour trouver sa proportion idéale de graminées-légumineuses 70/30. « Trop de graminées, c'est un fourrage qui manque de protéines. Trop de légumineuses, c'est un fourrage plus difficile à sécher et moins fibreux. Trop de dactyle et de ray-grass poussés à l'azote, ce sont des problèmes d'appétence », résume-t-il.
Pour maîtriser ce dosage idéal, Éric peaufine l'implantation de ses prairies et leur entretien. « J'implante toujours assez de légumineuses au départ, au moins 15 % du mélange. » Rien de particulier pour ce dernier composé de dactyle, RGA (deux variétés plus ou moins précoces), fléole, fétuque des prés et légumineuses. Plus essentiel est, à ses yeux, de ne pas apporter trop d'azote minéral et de privilégier l'azote organique pour favoriser les légumineuses. Les apports d'azote minéral se limitent donc, à hauteur de 30 unités/ha, aux parcelles de fauche destinées à une seconde coupe de foin.
« JAMAIS D'AZOTE MINÉRAL AVANT LA PREMIÈRE COUPE »
Sauf exception, jamais d'azote minéral avant la première coupe. Ce n'est qu'au coup par coup et de façon limitée qu'il intervient au printemps mais jamais avec de l'ammonitrate. Comme cette année avec 15 unités/ha sur 5 ha manquants de tonus en sortie d'hiver. « Il faut faire la différence entre le rendement brut le jour de la récolte, et le rendement économique qui s'apprécie l'hiver sur les quantités de tourteaux à apporter en moins », résume le cultivateur d'herbe. Les prairies nouvellement implantées à l'automne peuvent recevoir, au printemps suivant, un engrais de fond à raison de 20 unités de P et K. Les apports d'engrais organiques se font alternativement sous forme de lisier à raison de 15 à 20 m3/ha, ou de fumier de plus d'un an (non composté pour l'instant), à hauteur de 15 à 20 t/ha. Autre point capital travaillé pour la pérennité et la qualité des prairies, l'alternance fauche-pâture facilitée par un parcellaire assez regroupé.
« UNE STOP-DOSE POUR LES CONCENTRÉS »
Éric a aussi ses règles pour distribuer l'aliment. Jamais de préparation au vêlage et une durée de tarissement courte (50 jours environ). Les apports ne démarrent qu'après la mise bas en augmentant de 1 à 1,5 kg par semaine, jusqu'à la stop-dose. Les vaches à plus de 35 kg sont plafonnées l'hiver à 5 kg d'orge, et 1,6 kg de tourteau de soja et colza. Au printemps, quand elles disposent d'herbe de qualité en abondance, Éric se règle sur 20 à 25 kg de lait permis par le pâturage. Il a fait sienne cette maxime : « Le pâturage, c'est l'art de se faire rencontrer la vache et l'herbe au bon moment. » Ici on cherche aussi à écrêter les pics et à jouer la persistance de lactation. Objectif réussi : les vaches à plus de 40 kg se comptent sur une main. C'est avec elles et le niveau de persistance que notre éleveur mesure l'impact de la qualité du foin. Son niveau d'étable peut ainsi baisser de 500 kg certaines années. Il l'accepte... pas question pour lui d'apporter plus d'aliments.
Pas question non plus de les gaspiller. L'indicateur de traite et l'observation des animaux lui sont précieux pour les ajuster au mieux à chaque animal. Il intervient sur le réglage du Dac une à deux fois par semaine. « Si une vache ne rumine pas assez, je baisse son concentré. J'ai aussi pour principe de ne jamais précéder les animaux. Si une vache est à 25 kg, je ne la soigne pas pour 30 kg de lait. »
JEAN-MICHEL VOCORET
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